Joachim a voyagé autour du monde pendant un an. Il est parti le jour de son 25ème anniversaire, et est rentré après 365372 jours. Et tu es ici sur son carnet de voyage.
Depuis son retour, Joachim a écrit un livre : 360 in 365 ».

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360 in 365 – Joachim voyage autour du monde

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Willkakuti, un mois après.

Willkakuti, un mois après.

Ok, j’ai du retard. Oui oui je sais Papa, j’ai pas écrit depuis plus de 15 jours, pas de nouvelles, non j’ai finalement pas été marié de force, et je ne suis pas -de force- en voyage de noces.

Je viens juste d’arriver en Colombie après deux semaines de voyage non-stop. Depuis deux semaines je dors dans des bus, ou dans des hôtels miteux (mais pas chers) près des terminaux de bus, jamais plus d’une nuit dans une ville, je voyage sans personne qui m’accompagne, je voyage vite, je fais du kilomètre. Et y’a une raison pour ça, c’est que je dois être à Medellin le 23, pour prendre un avion pour l’étape suivante. J’aurai parcouru la fin de l’Amérique du Sud très très rapidement. Une journée à Lima, pas plus. Une seule nuit à Quito que j’ai quitté sans acheter de panama. Mais ça y est, je suis en Colombie, j’ai cinq jours pour atteindre Medellin, je suis large.

Mais je voulais pas vous parler de ça.

Il y a quasiment un mois, j’ai assisté à un festival un peu spécial. J’étais à Tiwanaku (on écrit aussi ça Tihuanaco), en Bolivie, à l’occasion du solstice, le 21 juin. Et le solstice d’hiver, c’est sérieux pour les cultures locales, au moins autant que notre solstice d’hiver (ouai je sais, Noël c’est le 25 et le nouvel an c’est le 31, ça change pas que fondamentalement, on fête le solstice). J’ai assisté à Willkakuti, le Nouvel An Aymara, dans une ruine pré-colombienne et même pré-inca aux environs du lac Titicaca. Et laissez-moi vous dire, y’a des pires moyen de passer une soirée et le matin qui suit.

Tiwanaku, à deux heures à l’ouest de La Paz, pas loin de la frontière avec le Pérou, est le complexe de ruines le plus important culturellement en Bolivie. Je ne vais pas rentrer dans les détails, principalement parce que je les connais pas, et parce que je vais pas vous faire l’insulte de recopier le Lonely Planet, ou le Routard (mais le routard est définitivement trop franchouillard, les blagues ringardes merci, mais si je pars un an de France c’est bien pour une raison) (et oui, je sais, les blagues ringardes c’est moi qui les fais quand je suis en France… ça change pas le fait que j’ai peut-être envie d’arrêter d’en dire tant de temps en temps). En gros, ces ruines datent d’avant les Incas, il y avait un temple dont il reste quelques tracés d’enceintes, et la Puerta del Sol, la porte par laquelle passent les premiers rayons du soleil de l’année. Mais n’allons pas trop vite. Le complexe de ruines est mystérieux, étant donné qu’on ne sait pas grand chose de la culture ou de la religion des habitants du lieu. On sait qu’ils ont influencé les Incas, mais à part ça pas grand chose d’autre.

C’est pourtant à cet endroit qu’ont lieu les célébrations de la culture Aymara. Les Aymara sont un des peuples indigènes de Bolivie (pueblos originarios en castillan, mais peuples originaux ça fait, ouai ils sont super originaux), l’Aymara est une des langues officielles de la nouvelle constitution bolivienne, au même titre que le Quechua (bien connu des touristes français, merci Decathlon de nous fournir de tels signes de reconnaissance entre nous) (oui, pour les non-voyageurs parmi vous : Quechua, la marque de matériel « randonnée » de Décathlon, est notre signe de reconnaissance. 80% des voyageurs avec un sac/pantalon/chaussures/veste/slip Quechua sont français, le reste aussi mais ils veulent pas l’avouer donc ils se font passer pour des espagnols (y’a aussi Decathlon en Espagne), ça marche aussi avec Haglöffs pour les norvégiens & suédois).

Je vais arrêter les parenthèses pour revenir sur le sujet (mais bon ça fait longtemps que j’ai pas écrit, je peux pas m’empêcher).

Or donc, la nouvelle année Aymara commence au lever du soleil du jour du solstice. Le soleil recommence à revenir, c’est la fin d’un cycle. Et c’est une bonne occasion pour faire la fête, jouer de la quena (c’est le nom de la flute de pan, à ne pas confondre avec le pipeau péruvien, qui, comme son nom l’indique, est un pipeau) et taper du tambour, mais surtout ingurgiter de grandes quantités d’alcool et danser la Morenada ou la Caporal entre boliviens. Et c’est ce que j’ai fait.

Je suis arrivé à Tiwanaku dans l’après midi, rencontré un espagnol des Canaries qui m’a aidé à trouver une chambre d’hôtel, avec une chilienne qui était – surprenant hasard – dans mon bus pour venir, tous trois avons ensuite rencontré un couple de français (portant du Quechua), un couple d’équatoriens et un chilien à qui – spoiler – il va arriver des aventures au lever du soleil, et tous huit on se met à boire tranquillement parce que la nuit tombe, et que la bière locale est pas mauvaise. Après quelques bouteilles la nuit est tombée et la fête peut commencer. La foule a envahi la petite place centrale, et les groupes peuvent commencer à faire de la musique. La musique bolivienne a cette particularité qu’elle est jouée par des boliviens, souvent avec des tambours et des quenas et des flutes andines, et les chanteurs et chanteuses sont tellement fiers et content d’être boliviens qu’ils le chantent dans le refrain. S’il y a un groupe présent ce soir là dont il faut retenir le nom, c’est Bonanza. Ils ont du talent et ils sont connus en leur pays, et je pense qu’ils iront loin, au moins jusqu’au Pérou.

La foule devenant plus compacte, les vendeurs de bijoux artisanaux, de chaussettes chaudes (1€ les deux paires) et les peintres de paysages lunaires à la bombe furent obligés de laisser leur place, et les gens ont pu commencer à danser. Il faut se rappeler qu’on est à 3200m d’altitude. La nuit est tombée, on est au début de l’hiver. Il fait donc froid. Les locaux, bien habitués à ce genre d’inconvénients, ont deux armes secrètes : l’alcool, et la musique. C’est donc pour survivre que je me suis fondu dans un groupe, un groupe de locaux, des jeunes d’une vingtaine d’années venant de La Paz tous les ans pour faire la fête. Ils parlent aymara entre eux, castillan aux touristes, et m’apprennent quelques mots, comme, j’ai froid ou s’il te plaît la bouteille. C’est très amusant. Une des filles du groupe m’apprend même quelques pas de danse, me demande si je suis marié/fiancé/casé dans mon pays, mais elle ne souhaite pas poursuivre le sujet quand son copain revient d’acheter de l’alcool. Étant donné qu’elle m’a parlé de sa fille d’un an je suppose que ses questions étaient intéressées, mais attendre qu’elle soit en âge nubile aurait été un peu long, et les autorités boliviennes n’aiment pas qu’on dépasse la durée du visa de 192 mois.

J’ai appris cette nuit là les pas de diverses danses, mais sous l’emprise de l’alcool j’ai tout oublié depuis. Faites-moi boire, ça devrait revenir, ou juste payez-moi des coups, je peux rien garantir mais on s’amusera quand même. Et puis sous le kiosque au milieu de la place, des musiciens ont commencé à pirater la soirée : au lieu d’écouter sagement les groupes sur la scène devant la mairie, ils se sont mis à danser en rond avec leurs tambours, leurs quenas, leurs drapeaux des peuples indigènes (un arc en ciel en damier), et leurs ponchos rouges.

Vers quatre heures du matin, mes amis se sont dit, si on allait faire la queue pour accéder aux cérémonies qui sont, après tout, seulement dans deux heures?

Le problème de leur plan c’est qu’il y avait déjà 2000 personnes en train de faire la queue. Moi j’avais perdu mes amis chiliens/espagnols/équatoriens/quechuafrançais, donc j’ai fait la queue avec eux. Pendant une heure et demie. Dans le froid de l’altiplano, avec notre bouteille – vide.

Puis dans l’enceinte, il a fallu attendre le lever du soleil, après tout, c’est un peu le but du jeu. Et là j’ai perdu le seul ami que j’avais encore à ce moment là. J’ai donc pris des photos d’indiens qui jouaient de la musique en ponchos rouges avec leurs drapeaux en damiers en arc-en-ciel et avec leurs tambours et leurs quenas. Il faut savoir que pendant ce temps, au milieu du complexe, des prêtres conduisaient des cérémonies, mais un mur nous séparait. Un mur formé par des pierres millénaires et aussi par 2000 boliviens qui attendaient le lever du soleil.

Au milieu de la foule une rumeur a commencé à courir : Evo Morales serait parmi nous! Evo! Le président de la Bolivie, qui est d’origine et de culture Aymara, et qui était éleveur de Coca dans le temps! Evo! Qui est en campagne de réélection cette année!

Vers ce moment là, un vieil indien en poncho aussi rouge que son nez a commencé à me parler, à m’appeler padrino, à danser avec moi, et m’a finalement demandé de lui offrir un drapeau des peuples originaux, avec un arc en ciel découpé en damier. Comme je m’entendais bien avec lui, je le lui ai offert, le drapeau. Laissez-moi vous dire, il était rudement content après, à l’agiter au dessus de la foule, et tout ça… Puis j’ai recroisé mon ami chilien, qui était au téléphone avec sa banque : son aventure de la nuit avait consisté à se faire voler sa carte bancaire. C’est plutôt mauvais quand ça arrive.

Une autre rumeur a commencé à courir, vers sept heures : le soleil est derrière les nuages. Les plus vieux présents ne se souvenaient pas d’un solstice au matin si nuageux, d’un soleil qui se faisait tellement désirer. Et finalement, vers 8h ou 8h et demi, Evo est parti. Un chef d’état, ça a d’autres choses à faire qu’attendre le lever du soleil de derrière les nuages. Le soleil, lui, n’attendait que ça, il a suffi qu’Evo parte pour qu’il surgisse de derrière les nuages, et que ses rayons commencent leur boulot : nous chauffer. Les premiers rayons, il faut les attraper avec les paumes tendues devant soi, se frotter les paumes l’une à l’autre, les frotter à son visage et au reste de son corps. C’est comme ça qu’on accueille le soleil. Dont acte, j’ai dit, et je l’ai fait moi aussi.

La légende dit que j’ai ensuite été investi de l’énergie du dieu-soleil Aymara. Mais ça, je suppose que ce sera à mes biographes de rétablir la vérité.

En attendant, bonne année 5519.


2 Comments

  1. Heureusement pour tes biographes, tu laisses quelques tomes d’auto-biographie pour leur faciliter la tâche :D

    Comment by Julien — 18 juil. 2010 @ 18:34
  2. Hello Joachim,

    C’est amusant comment tu explores les « originaux » du haut plateau, j’aime bien ta façon de l’écrire, cela fait voyager et encore plus quand on voit tes superbes photos, bravo !

    Les moments que tu décris représentent un concentré d’un aspect de la vie bolivienne, Les « armes sécrètes » (L’alcool et la danse), la wipala (drapeau indigène, carré, pour bien symboliser l’équité entre les communautés), les ponchos rouges (symbole de gardiens de l’actuelle démocratie) et même le président Evo Morales ! Waouh ! Tu es tombé pile poil et en plus tu es maintenant bénit avec l’énergie du dieu Inti en cette nouvelle année andine 5519 !
    Un seul ingrédient manquant, la coca (*), tu l’as croisée ?

    Ciao ! Ricardo

    PS : plus de nouvelles de Monica ?
    *Attention je parle de la coca feuille et non pas de la cocaïne.
    Sinon, tu le sais sûrement mais en aucun cas ne transporte pas la moindre feuille de coca hors de la frontière bolivienne !

    Comment by Bellott ricardo — 20 juil. 2010 @ 16:10



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